Voyager avec un enfant atteint d’une maladie rare. L’histoire d’Eli et d’Émilie.

Ce billet s’inscrit dans une série d’articles portant sur les voyages avec des enfants différents, qui nécessitent un suivi avec des spécialistes. En tant que parent, doit-on mettre de côté notre désir de voyager avec un enfant prématuré, atteint d’une maladie rare, poly-allergique ou autiste? Avec Aude, Eli, Laurent, Chloé et leurs parents, je vous propose, dans les prochaines semaines, de découvrir quatre histoires permettant d’amorcer une réflexion sur le sujet. Voici celle d’Émilie, qui a gentiment accepté de répondre à mes questions au sujet de son vécu avec son petit garçon de 17 mois, Eli, atteint d’une maladie rare.

Éli et ses parents. Crédit photo : Émilie Morneau-GuérinEli et ses parents. Crédit photo : Émilie Morneau-Guérin

Peux-tu te décrire brièvement?

Je me nomme Émilie, j’ai 27 ans. Je suis en couple avec Francis depuis sept ans déjà. Nous avons un petit garçon de 17 mois, Eli. Avec les péripéties que nous avons vécues avec Eli, j’ai fait le choix de mettre sur « pause » mes ambitions professionnelles et je suis devenue maman à la maison. Je compte bien retourner à mes amours (ma réorientation en travail social), dans quelques années probablement, le temps que les suivis médicaux avec Eli s’espacent un peu. Francis est, pour sa part, chef aux opérations pour le Service incendie de Ville de Saguenay.

En quoi Eli est-il différent des autres enfants de son âge?

Alors qu’il n’était âgé que de trois mois, Eli a développé une maladie rare: la maladie de Kawasaki. Habituellement, cette maladie touche les enfants entre deux et cinq ans. Plus la maladie est contractée tôt, plus elle est agressive. Vous comprendrez qu’à trois mois, c’est vraiment précoce et, donc, très dangereux. Cette maladie entraîne une inflammation dans le corps de l’hôte, attaquant tout le système circulatoire : veines, artères et capillaires. C’est très souffrant, car tout enfle dans le corps, tant les organes internes que les membres. La fièvre est excessivement haute et aucune médication ne parvient à la diminuer; à un point tel que les convulsions sont très risquées. La maladie refusait de capituler, tant et si bien que même les artères cardiaques ont commencé à enfler. Le risque d’un anévrisme et, ultérieurement, d’une rupture d’anévrisme devenait de plus en plus accru. En raison de sa condition particulière, Eli a dû recevoir des transfusions de produits sanguins (des immunoglobulines) pour essayer de calmer son système immunitaire qui s’emballait. Malgré les nombreuses lignes de traitements, rien n’y faisait, le bilan sanguin était alarmant et la maladie ne capitulait pas.

Après deux semaines d’hospitalisation à Chicoutimi, Eli a été transféré en urgence à Ste-Justine, où un comité de médecins avait été formé pour son cas. La situation était excessivement grave et il fallait que le processus inflammatoire cesse. Après une batterie épuisante de tests, nous avons appris la mauvaise nouvelle qui tenait en deux mots insoutenables : anévrisme cardiaque. Eli a reçu des doses massives de médication. Après cinq jours, son petit corps a enfin réussi à lutter contre la maladie. Il était exténué, amaigri, mais il allait s’en sortir. L’anévrisme a cessé de grossir, le péricarde n’était plus aussi enflé.

Après quatre semaines intenses, pendant lesquelles nous ne dormions pas plus d’une heure ou deux par jour, nous sommes enfin rentrés à la maison avec notre petit homme qui prenait du mieux. Eli a cependant développé de l’anxiété et est devenu un enfant plus craintif à la suite de son hospitalisation et des nombreux actes médicaux subis. Aujourd’hui, Eli a des suivis médicaux plus réguliers que les autres enfants de son âge, mais il se porte bien. Il ne pourra jamais faire de sport de compétition ni d’entraînement soutenu, il ne devra jamais fumer ou faire de cholestérol et il sera toujours suivi en cardiologie.

emiilie2Eli et ses parents. Crédit photo : Émilie Morneau-Guérin

Quel est ton plus beau souvenir de voyage avec Eli?

Cet été, nous sommes allés à Montréal pour nos vacances. Nous avons eu beaucoup de plaisir à visiter le Biodôme et le Jardin botanique, de même qu’à flâner dans les boutiques. J’ai apprécié ne pas avoir d’horaire et suivre le rythme d’Eli. Il découvrait ces nouveaux endroits avec intérêt et enthousiasme. J’ai été surprise par sa facilité d’adaptation, et ce, même si le voyage a duré plusieurs jours. En grandissant, il devient plus facile de lui expliquer ce genre de changement dans sa routine et ses craintes (de même que les miennes) diminuent de plus en plus.

Eli, à la conquête du Jardin botanique de MontréalEli, à la conquête du Jardin botanique de Montréal. Crédit photo : Émilie Morneau-Guérin

À ce propos, peux-tu me parler de tes craintes à l’idée de partir à l’étranger avec Eli?

Nous envisageons de partir en voyage à Hawaii cet hiver. Ce qui me stresse particulièrement, c’est que nous serons loin de l’équipe médicale qui connaît bien le cas d’Eli. Or, notre garçon a eu des épisodes de perte de conscience ce printemps et nous avons eu peur que son cœur recommence à faire des siennes. Nous avons dû consulter à Québec en moins de 24 heures. Mais qu’en sera-t-il quand nous serons à des centaines de kilomètres de la maison? C’est particulièrement ce point qui m’angoisse. Pour le reste, Eli est un enfant qui réagit aux changements, en se réveillant en panique de multiples fois pendant la nuit. Je sais qu’avec de la compréhension, de l’amour et de la patience, nous saurons vivre la transition de l’avion et du séjour à Hawaii. Mais c’est un petit stress qui s’ajoute.

As-tu développé des trucs afin de voyager avec Eli?

Jusqu’à présent, nous n’avons pas voyagé à l’extérieur du Québec avec Eli. Lors de nos trajets à Montréal pour ses suivis médicaux, nous avons tout de même développé des techniques qui facilitent nos expériences sur la route. En voici quelques exemples :

  • Je m’assoie à ses côtés, à l’arrière de la voiture, afin de le distraire quand il commence à s’ennuyer.
  • Nous  voyageons au son d’une musique qu’il aime et qui l’apaise pendant le trajet.
  • Nous essayons de ne pas avoir trop d’attentes face au voyage et nous suivons son rythme.
  • Nous repérons à l’avance plusieurs endroits où nous pouvons faire une pause pour manger si bébé le réclame. À cet égard, nous privilégions les restaurants de camionneurs (les trucks-stops). Les serveuses sont heureuses de voir arriver un bébé et elles disposent de plus de temps afin de nous donner un coup de main au besoin.
  • Nous préférons louer un appartement plutôt que d’aller dans les hôtels. Ainsi, nous disposons de plus de place et quand bébé dort, nous pouvons souper tranquillement, regarder la télé ou lire.
  • Nous achetons de nouveaux jouets que nous lui faisons découvrir graduellement, tout au long du trajet, afin de l’amuser et d’éviter qu’il s’ennuie.
  • Nous avons aussi une boîte de jouets qui demeure dans la voiture en permanence. Étant donné qu’Eli les voit moins souvent, il est ravi de les retrouver. 
  • Nous utilisons beaucoup le porte-bébé : les écharpes, les slings et les pré-formés, entre autres. C’est rapide, pratique, bébé à l’impression que son habitat naturel le suit partout, comme j’aime bien le dire, et c’est beaucoup moins encombrant qu’une poussette. EmilieUne famille inspirante. Crédit photo : Émilie Morneau-Guérin

    Émilie, nous te remercions d’avoir accepté de participer à notre série d’articles sur les voyages avec des enfants qui nécessitent un suivi avec des spécialistes. Vous formez une famille à la fois belle et inspirante. Nous vous souhaitons à tous les trois un magnifique voyage à Hawaii et beaucoup de bonheur à partager.