Le palais de Monserrate, le « glorieux Eden » de Lord Byron

Pour ce dernier billet de notre série de cinq articles sur les châteaux et les palais de Sintra, nous avons choisi de vous parler du Palácio de Monserrate (Palais de Monserrate). Situé un peu plus à l’ouest de Sintra, ce palais nous a immédiatement séduits par son style particulier, doux mélange d’influences indiennes et arabes. Entourant le palais, une collection botanique exceptionnelle réunit des espèces du monde entier dans un vaste parc qui incite à la farniente. À la suite de son séjour dans ce palais, en 1809, le célèbre poète Lord Byron a d’ailleurs qualifié Sintra de « glorieux Eden », référant indirectement au Palais de Monserrate et à sa « teinte orange animant la verdure ». Voici nos impressions sur ce lieu à la fois exotique et romantique, que nous recommandons à tous les amoureux de la nature… ou, tout simplement, aux amoureux!

Il était une fois, le Palais de Monserrate…

Au cours de son histoire, le Palais de Monserrate a connu trois principaux propriétaires anglais qui ont, chacun à leur façon, eu une influence importante sur les lieux que nous connaissons aujourd’hui. Un premier palais néo-gothique fut d’abord édifié, en 1790, sur les ruines d’une ancienne chapelle. C’est Gerard de Visme, un riche homme d’affaires, qui se chargea de sa construction. Peu de temps après, William Beckford, écrivain romantique et critique d’art, loua le palais et commença à y aménager un jardin. Homosexuel fortuné, ce dernier avait dû fuir l’Angleterre pour éviter la pendaison. À son tour, Francis Cook, un riche commerçant et vicomte, se porta acquéreur du palais en 1856 et chargea l’architecte James Knowles de le transformer en résidence d’été pour sa famille. C’est à lui que nous devons l’apparence actuelle du palais de même que son jardin romantique. Les héritiers du vicomte se désintéressèrent cependant du palais au fil des décennies qui suivirent. On raconte même que le troisième vicomte de Monserrate aurait tiré sur son propre reflet dans un miroir du palais, à la suite d’un excès de folie. Depuis 1949, le palais et le parc appartiennent à l’État.

Bien qu’il ne fut jamais propriétaire du Palais de Monserrate, Lord Byron y séjourna en 1809, alors qu’il visitait Beckford. Il en louangea par la suite sa beauté dans un poème, « Le pèlerinage de Childe Harold » (Childe Harold’s Pilgrimage). Ce long poème narratif, reconnu comme étant en partie autobiographique, décrit les réflexions d’un jeune homme désillusionné par une vie de débauche, à travers ses voyages dans différents pays. Dans les quelques strophes où il décrit le séjour de Childe Harold au Portugal, les propos de Lord Byron sont plutôt désobligeants. En bref, il affirme que Sintra est un « glorieux Eden », un lieu d’une trop grande beauté pour les Portugais, qu’ils qualifient d’ignorants, de sales et d’orgueilleux. Il n’en fallait pas plus pour susciter la curiosité des Anglais envers ce lieu et, plus spécifiquement, envers ce palais.

Esclaves vils! nés sur un sol agreste,

Pourquoi, Nature, ainsi jeter tes dons?

Cintra, là-bas! Glorieux Eden, séjour céleste,

Suivi sans fin de monts et de vallons;

Mais, qu’elle main saurait peindre ou décrire

Une moitié de ce que l’œil admire

De ces tableaux bien plus éblouissants

Que ceux qu’un barde, à l’âme électrisée,

Fit au monde surpris en ouvrant l’Élysée?

– Lord Byron, traduit en vers français par M. PH. Alard (1869)

Le Palais de MonserrateLe Palais de Monserrate

Notre visite du Palais de Monserrate

Nous souhaitions absolument visiter le Palais de Monserrate, qui est pourtant très peu mis de l’avant dans les guides de voyage traitant du Portugal. Ces derniers décrivent de façon détaillée le Palais de Pena et le Palais national de Sintra, principales attractions de la région, en demeurant avares de détails au sujet de Monserrate. Pourtant, ce palais fut une découverte marquante pour nous lors de notre visite de la région. Il faut dire que nous avons multiplié les péripéties afin de le rejoindre, alors que les routes principales pour y accéder étaient bloquées. Après un long détour à travers des routes sinueuses et bordées de murs moussus, qui serpentent les plus belles quintas de la région, nous sommes enfin arrivés sur le site. Dès le portail du jardin, nous avons compris que nous entrions dans un monde à part en voyant la statue d’une chimère, créature mythologique liée au fantastique. Nous avons traversé le circuit menant au palais, bordé de différents arbres (cyprès, chênes, séquoia, etc.), pour ensuite nous retrouver au milieu d’une collection de palmiers menant à un arc indien, acquis par Francis Cook après la révolte des cipayes en 1857. Le palais est alors apparu devant nous, émergeant d’une végétation luxuriante. Son apparence extérieure nous a immédiatement séduits. La couleur hésitante de sa coupole et de ses toits, entre orange et corail, formait un magnifique contraste avec le ciel bleu et la verdure qui l’entouraient. Le palais nous a ainsi éblouis dès l’accueil, avec ses arrangements floraux, qui se mariaient parfaitement au bâtiment, les carreaux de céramique hispano-arabes de ses jardinières, ainsi que sa fontaine du Triton remplie de nénuphars.

Monserrate11La chimère qui nous accueille à l’entrée du parc de Monserrate Les nénuphars de la Fontaine du Triton, à l'entrée du Palais de MonserrateLes nénuphars de la Fontaine du Triton, à l’entrée du Palais de Monserrate Les arrangements floraux s'harmonisent parfaitement aux couleurs du palaisLes arrangements floraux s’harmonisent parfaitement aux couleurs du palais

À l’intérieur, plusieurs salles sont également dignes de mention. L’entrée se fait tout d’abord dans un hall octogonal, formé d’arcs gothiques et de colonnes de marbre, au centre duquel trône une magnifique fontaine. Une fois entrés, nous avons pris les escaliers, décorés d’un motif de feuilles de lierre, afin d’aller découvrir les pièces situées à l’étage. Nous pensions y trouver des chambres richement décorées, mais ce sont plutôt des pièces vides qui nous attendaient. Petite déception… qui fut de courte durée, car nous avons constaté que des œuvres y étaient exposées dans le cadre de l’événement Mexico in Monserrate. Représentant de jolies fleurs colorées, ces peintures ont suscité notre curiosité, mais malheureusement, toutes les informations concernant l’exposition étaient en portugais uniquement (langue que nous ne possédons absolument pas).

La fontaine du Hall d'entrée, Palais de MonserrateLa fontaine du Hall d’entrée, Palais de Monserrate Les pièces de l'étage, au-dessus du hall d'entrée, Palais de MonserrateLes pièces de l’étage, au-dessus du hall d’entrée, Palais de Monserrate Une toile exposée lors de l'événement « Mexico in Monserrate »Une toile exposée lors de l’événement « Mexico in Monserrate »

Nous sommes donc redescendus en rez-de-chaussée, attirés par la salle de musique, où un orchestre jouait quelques airs mexicains. Nous avons ensuite flâné dans la galerie, qui relie les trois tours du palais en une succession d’arcs et de colonnes, véritable jeu de perspectives s’ouvrant devant nous. Mais outre la bibliothèque, qui se distingue par ses étagères en noyer, sa porte haut-relief et ses papiers décoratifs, nous sommes restés sur notre faim… Il faut dire que plusieurs pièces du palais étaient alors en restauration et demeuraient, par le fait même, inaccessibles aux visiteurs. Malgré tout, des panneaux étaient placés devant chaque pièce afin d’expliquer les travaux en cours et ceux qui avait été récemment complétés. Mince consolation!

La salle de musique, où un orchestre jouait des airs mexicains, Palais de MonserrateLa salle de musique, où un orchestre jouait des airs mexicains, Palais de Monserrate Palais de MonserrateLes arcs et les colonnes de la galerie, Palais de Monserrate

Après notre visite du palais, nous avons fait une balade dans le Parc de Monserrate, considéré comme l’une des plus belles créations paysagères du Romantisme. Nous avons d’abord fait un léger pique-nique sur l’herbe, devant le château, à base de natchos et de bières mexicaines. Sans le savoir, nous mangions alors sur le premier gazon planté dans l’histoire du Portugal, dont l’origine remonte au XVIIIe siècle. Malgré l’animation qu’il y avait sur les lieux, toujours sur le thème du Mexique, peu de visiteurs étaient au rendez-vous. Nous avons profité du calme ambiant pour flâner tranquillement dans le parc et ses jardins. Après une balade dans la roseraie, nous avons admiré le jardin du Mexique, la zone la plus sèche du parc, où l’on retrouve des palmiers et des cactus. Nous avons par la suite longé les lacs ornementaux, qui abritent une collection de plantes aquatiques exotiques, avant de faire une pause à la chapelle, une fausse ruine réalisée par Francis Cook. Nous avons finalement quitté le jardin en traversant la vallée des fougères.

Pique-nique à l'arrière du Palais de MonserratePique-nique à l’arrière du Palais de Monserrate Avec ma princesse, Palais de MonserrateAvec ma princesse, Palais de Monserrate Le jardin du Mexique, Palais de MonserrateLe jardin du Mexique, Palais de Monserrate La chapelle et ses fausses ruines, Palais de MonserrateLa chapelle et ses fausses ruines, Palais de Monserrate

Quelques conseils et informations pratiques pour rendre votre visite agréable

Tout comme la Quinta da Regaleira, le Palais de Monserrate est peu populaire chez les touristes qui viennent visiter Sintra. C’est donc un site qui se combine aisément à d’autres plus achalandés, plus facilement accessibles dès l’ouverture (ex.: Palais de Pena & Palais national de Sintra).

L’extérieur de ce palais est tout simplement splendide, mais l’intérieur est actuellement en rénovation, ce qui fait en sorte que plusieurs pièces ne sont pas accessibles. Si vous avez peu de temps à consacrer au palais, assurez-vous de  flâner dans son parc et ses jardins.

Si vous avez l’intention de visiter plus d’un palais, informez-vous sur la possibilité d’acheter des billets combinés. Valables un mois, ces derniers vous permettront de visiter deux palais ou plus à prix réduit.

N’hésitez pas à prévoir un léger goûter, l’endroit est idéal pour un pique-nique.