Mon top 10 Nord Pas de Calais: N°4: Le centre minier de Lewarde

Vous allez désormais entrer dans les profondeurs de l'histoire de la région Nord Pas de Calais. Celle-ci a été profondément touchée et enrichie par l'activité minière qui a façonné un des paysages que vous connaissez désormais bien: les terrils (lire article ici). C'est cette même histoire qui a fait se tuer à la tâche, au sens propre comme au figuré, des milliers d'ouvriers. D'enrichie, la région a glissé sur la pente du déclin. Aujourd'hui, c'est sur cette industrie qui l'a menée à sa perte sur laquelle, elle compte bien rebondir et en faire un atout culturel. La cité minière de Lewarde lui fait bien remarquer qu'elle aurait tort de s'en priver.

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La salle des pendus

Pourquoi dans le top 10? Une histoire du Nord

Même si Lewarde est l'un des musées incontournables de la région et le plus grand musée de la mine en France, la fosse Delloye, sur laquelle il est implanté, n'était pas la zone où on faisait le plus de rendements. Ce n'est pas non plus là que vous apercevrez les corons, ces habitats ouvriers car aucune cité ouvrière n'a été construite à proximité. Point de terril en vue non plus. Mais peu importe, c'est bien ici que vous allez emprunter un ascenseur pour descendre à une profondeur ridicule car la loi interdit la descente dans les anciennes mines. Peu importe, le parcours est lui très réussi et les guides qui vous conduiront connaissent leur sujet. J'ai d'ailleurs eu la chance d'y retrouver une ancienne collègue d'un job étudiant que j'exerçais jadis, qui en devenant guide, a prouvé qu'elle a elle aussi bien entamé sa reconversion. Après s'être convenablement vissé un casque jaune affreux sur la tête pour question de sécurité, le retour vers le passé peut commencer.

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Empruntez la voie des mineurs

Ce qui m'a marqué, et ce à quoi je n'avais pas penser au préalable, ce sont les acteurs. En effet, on pense bien sur aux mineurs de fond qui travaillaient au risque de leur vie chaque jour et certains l'auront d'ailleurs perdue. Mais même si en pleine république et qu'une loi en 1892 interdit aux femmes et aux enfants de descendre dans les mines, leur tâche n'est pas moins ardue et leur santé pas mieux assurée. En effet, celle qu'on appelait les cafuts à cause de leurs coiffes avaient pour mission de séparer le charbon des autres pierres que ramenaient les mineurs qui elles n'étaient pas inflamables. C'est d'ailleurs ces remblais qui ont formé les terrils de nos régions. Le charbon était reconnaissable au poids car il était plus léger et parce qu'il a un aspect brillant. On peut se dire que le travail est pépère par rapport aux hommes qui revenaient noirs mais ne vous leurrez pas: les pierres occasionnaient de nombreuses coupures, sous le verre sans double vitrage, on se gelait l'hiver tandis qu'on crevait de chaud l'été et l'inhalation des poussières augmentait les risques de maladie. Les femmes qui se trouvaient à la lampisterie n'étaient pas mieux loties. Elle devait donner les lampes aux ouvriers chaque matin et les nettoyer mais remplies de pétrole, cette mission s'avérait dangereuse. Par la suite, la France en pleines Trente Glorieuses manque de main d'oeuvre et emploie de nombreux immigrés dont la première vague est composée de Polonais. Vous le verrez à la fin de votre visite, certains panneaux sont écrits dans d'autres langues comme l'arabe afin que tout le monde puisse comprendre aisément les consignes. Enfin, on n'y pense moins mais les animaux étaient de la partie, en particulier les chevaux qui tractent les wagons et qui remplacent beaucoup plus efficacement les enfants qui sont remontés à la surface depuis la loi de 1892. Ces bêtes étaient bien nourries et soignées car elles coûtaient chères. Les équidés restaient 10 ans dans les mines car les ascenseurs étaient trop étroits pour les faire remonter chaque jour et des procédés permettaient de les descendre ou de les remonter mais cela prenait 6 heures. Après 10 ans de bons et loyaux services, ces animaux qui avaient vécu tant d'années dans le noir, devaient s'habituer de nouveau à la lumière et c'est pour cela qu'on leur posait plusieurs bandes de tissu sur les yeux et qu'on les leur enlevait au fur et à mesure.

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Plusieurs langues pour des travailleurs condamnés à parler avec les mains (comment s'entendre avec tout ce bruit?)

Vous vous apercevrez aussi des conditions de travail difficiles et parfois dangereuses. Vous serez choqué en voyant les ouvriers du XIXe siècle, tout droit sorti du roman Germinal, creuser avec des pioches et porter des vêtements de lin inadaptés. La raison est simple. A cette époque, les ouvriers devaient payer leurs propres habits de travail et le lin était une matière bon marché, blanche et non teinte car les couleurs, ça coûte un bras. Par la suite, les costumes de travail s'améliorent en même temps que les machines. On n'abat plus le charbon au pic et à la rivelaine mais la chaleur reste écrasante: plus on descend, plus il fait chaud. Et si les machines ont pu aider l'homme à plus produire, elles lui ont permis de mieux le détruire. Lors de la visite, certaines machines sont mises en marche par les guides pendant quelques secondes. Cela suffit bien assez pour se rendre compte du vacarme assourdissant, sans oublier qu'il y avait des dizaines de machines qui tournaient en meême temps. Or, la surdité ne sera jamais reconnue comme maladie professionnelle et pourtant. Nous n'oublierons pas les risques d'éboulement. Je vous décevrai si je ne disais aucun mot sur le monstre: le grisou qui provoquait des explosions. L'épisode le plus marquant à ce propos est la catastophe de Courrières en 1906 qui provoqua la mort de 1099 mineurs. Par la suite, des systèmes sont mis en place pour éviter ce genre de mésaventure et seront plus ou moins efficaces. Les lampes à flamme nue seront par exemple interdites.

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Vous voudrez vite qu'on les éteigne

3 endroits auront particulièrement retenu mon attention en dehors de la mine. Tout d'abord la longue rampe par laquelle vous débuterez votre visite. Les mineurs ne traversaient pas la fosse comme ils l'entendaient car il y avait de nombreuses machines qui empêchaient leurs déplacements au sol. Ensuite, la lampisterie, là où tous les mineurs venaient chercher leurs lampes le matin pour la redéposer le soir. Les mineurs possédaient une lampe qui leur appartenait, non pas par souci d'égoïsme mais parce que s'il manquait une lampe, on savait quel mineur était resté au fond. Enfin, la salle des pendus est celle qui retient l'attention des visiteurs en général. Alors que les ingénieurs disposaient de leur propre salle de bains, les douches étaient communes aux ouvriers. Ils pendaient leur tenue de travai sur un crochet, d'où le nom de la salle, afin de la faire sécher pendant qu'ils se lavaient. Un mineur m'a expliqué que si les premiers ressortaient "rouge écrevisse", les derniers se tapaient une douche à l'eau glacée.

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La lampisterie, passage obligé des mineurs

Je vous conseille aussi la visite du musée car même si j'ai écrit un très long article à propos de Lewarde, vous êtes loin d'avoir tout appris sur l'histoire des mineurs car c'est bien eux qui sont au centre du projet. Ainsi, vous aurez le droit à des reconstitutions de maisons ouvrières ou d'un estaminet, les cafés où aimaient se rendre les mineurs quand ils avaient du temps libre. Vous en aurez plus sur leurs loisirs, les syndicats, la place de la religion, les différentes formes d'habitat des ouvriers ou encore sur l'immigration et les traditions des nouveaux travailleurs car la cité ouvrière était bel et bien après la Seconde guerre mondiale un grand village multiculturel. Cette visite vous bouleversera à coup sûr surtout quand on sait que les dernières descentes à la mine se sont arrêtées récemment à Lewarde, soit dans les années 1990.

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Comment on vit chez les mineurs

Bon à savoir:

- Lewarde est près de Douai. Vous pouvez arriver de Lille en prenant l'A1.

- Le site est fermé tout le mois de janvier.Les visites guidées ont lieu du 15 novembre au 28 février, excepté janvier du lundi au samedi de 13h à 17h et les dimanches, jours feriés et vacances scolaires de 10h à 17h. Le musée quant à lui ferme à 19h. Du 1er mars au 14 novembre, elles s'effectuent de 9h à 17h30. Le musée ferme quant à lui à 19h30.

- La visite guidée avec l'accès aux expositions coûte 12,50 euros (6,40 euros à tarif réduit) mais je vous conseille d'ajouter 1,50 euro pour une rencontre témoignange avec un ancien mineur qui vous raconte au choix les dangers de la mine, le premier jour à la mine ...