Echologia : de l’enfer industriel au petit paradis écotouristique

Echologia : de l’enfer industriel au petit paradis écotouristique

Depuis 2013, nous avons eu l’occasion de visiter divers projets, tantôt pour leur caractère insolite, tantôt – et presque toujours, du reste – pour leur aspect écologique, souvent complémentaire du premier. La Isla Verde, hôtel écologique du lac Atitlán (Guatemala), admirable par sa démarche globale, ou encore l’étonnant Tubohotel de Mexico City, où d’anciennes canalisations ont été recyclées en chambres insolites.

Plus singulièrement, les yourtes, dont nous avions déjà parlé pour les cas de l’hôtel écolo Le Bois du Barde (Bretagne) et Mes Nuits Nomades (Limousin), avaient éveillé ma curiosité et j’étais désireux de faire l’expérience de ce type d’habitation, dont j’envisageais la possibilité, voilà quelques années, de faire l’acquisition pour y vivre. Puisque Echologia, parmi ses habitations insolites, proposait des yourtes, c’est donc une yourte que l’on nous a attribuée.

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Du désastre industriel et environnemental à l’écotourisme

De site en site, cherchant des endroits insolites en France, j’ai découvert Echologia par le biais du site France Voyage, un site où sont recensés d’innombrables points touristiques et surtout très riche en lieux et logements insolites, et qui signale ce lieu dans sa page sur le département de la Mayenne.

Nous arrivons le samedi 4 avril, en milieu d’après-midi. Rendez-vous est pris à 17h avec Vincent Brault, l’un des deux cofondateurs de ce lieu. Passionné de nature, il a grandi à proximité d’un ancien site d’extraction du calcaire, lieu abandonné que la faune et la flore ont colonisé. Avec son ami d’enfance Guillaume Beucher, il désire créer un projet qui valoriserait à la fois leur département, la Mayenne, et permettrait, explique-t-il, « de sensibiliser le public à la question de l’eau ». Ils entreprennent donc des recherches d’anciennes mines de calcaire et trouvent donc, à Louverné, ce qui fut durant plus d’un siècle et demi, un vaste site d’extraction et de fabrication de chaux, dont plusieurs vestiges de hauts fourneaux sont le témoignage encore visible.

Lors de la visite, l’un des panneaux racontant l’histoire du lieu signale que les ouvriers y travaillaient dans des conditions effroyables : de 4h à 22h en été, de 6h à 19h en hiver, avec 2 heures de pause pour le déjeuner ; leur espérance de vie, sans surprise, atteignait seulement les 44 ans. Un passé où le travailleur, sans protection sociale ni prud’hommes était livré au bon vouloir de la racaille patronale. Ce qui, au total, rappelle combien cynique est la menterie d’une « modernisation » de l’économie et du code du travail (coup de chapeau à la loi Macron), qui nous rapprochent sans cesse davantage de ce XIXème siècle, dont le combat ouvrier et socialiste nous a éloignés.

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L’un des panneaux informatifs dédiés au patrimoine industriel et ouvrier. On y apprend notamment que l’espérance de vie d’un ouvrier, en 1899, était de 44 ans et qu’on travaillait de 4h à 22h en été…

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Des arcades surmontées d’une voie ferrée et, derrière, les vestiges de hauts fourneaux : vue d’une partie du patrimoine industriel du site

Mais revenons à nos moutons. La découverte du site remonte à 2006 : il appartient au groupe capitaliste de BTP Lafarge ; il faut négocier avec l’entreprise, qui dispose déjà d’un autre site d’extraction en Mayenne. Après 3 ans et demi, les négociations aboutissent. Entre-temps, Guillaume et Vincent ont présenté leur projet à leur famille et à leurs amis pour réaliser une levée de fonds en vue de l’achat.

Ce lieu, autrefois un désastre environnemental et social, a de forts atouts pour devenir un lieu de détente et de loisirs : plus de 2 millions de mètres cubes d’eau potable, qui ont font une des réserves majeures de la région ; la biodiversité de ce lieu, répertorié au titre de Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique) ; son caractère patrimonial, ayant été l’un des plus grands sites d’exploitation de la chaux en France au XIXème siècle. S’il n’a subsisté qu’un tiers des bâtiments, leur état de conservation est assez bon et contribue au caractère singulier, incomparable, de ce lieu : hauts fourneaux, chemin ferré surélevé, arcades, logements ouvriers, etc.

Comme l’explique Vincent, « Echologia est un organisme vivant, qui change au fil des rencontres ». C’est pourquoi il n’est pas sot de penser que le patrimoine industriel pourra continuer à être réhabilité, succès aidant, et si par chance les personnes impliquées – qui sont maintenant plus de 100, dans l’histoire d’Echologia, dont l’élaboration remonte à 2010, après l’achat du terrain.

« Une vitrine du développement durable »

L’ambition du site, c’est de devenir une « vitrine du développement durable », résume Vincent. Je rejoins volontiers la critique décroissante de cette expression, dont l’usage politique suppose un « capitalisme vert ». Mais dans le cas d’Echologia, la démarche écologique va de pair avec des valeurs qui ont beaucoup plus à voir avec la décroissance qu’avec la supercherie de type Europe-Ecologie-les Verts ou les balivernes de l’écologie-spectacle façon « Grenelle de l’environnement » ou tournée guignolesque de François Hollande et ses décoratives stars de cinéma aux Philippines.

Signalons, pour commencer, l’ambition de faire local. Les produits servis au – copieux – petit-déjeuner sont « bio », le pain provenant même des environs (pour le reste, il s’agit de produits bio et, parfois issus du commerce équitable, comme le chocolat ou le sucre). Le panier en osier dans lequel est servi celui-ci est tressé par un vieux monsieur du coin, âgé de 85 ans.

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Six jardins-potagers, laissés à disposition de voisins, lesquels ont laissé chacun une empreinte distincte, laissant voir des démarches relevant ici du Land Art, là de la permaculture (possiblement). Vincent raconte aussi le lien qui existe entre Echologia et des écoles des environs, notamment avec un lycée agricole local dont les élèves ont participé au chantier, en rendant accessible une île devenue quasiment une jungle, cela après un recensement des espèces qu’on y trouvait, pour éviter d’y causer des dégâts.

Un artiste local, Jacques Blin, a offert de nombreux Métalloïds, des sculptures d’animaux réalisées à partir d’objets de fer destinés sans cela à être jetés. Leur présence contribue à l’identité du site et à un effet de surprise aux divers points de la balade.

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Une piscine naturelle a été installée, où s’est même formé un écosystème, avec notamment, nous dit-on, de nombreuses grenouilles en saison basse, lesquelles migrent vers la rivière en contre-bas lorsque les visiteurs se font plus nombreux. Profitant aussi de la qualité de l’eau, l’équipe d’Echologia a introduit des écrevisses dans l’une des lagunes du site : elles y ont à ce point proliféré que, raconte Vincent, de mai à fin septembre, c’est en moyenne 100 écrevisses qui sont pêchées chaque jour, parfois même jusqu’à 150. Les eaux grises, par ailleurs, sont filtrées par des jardins assainissants et rejetées, propres, au ruisseau.

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A droite, les tipis ; au centre, la piscine naturelle vue en surplomb depuis le haut de la cascade artificielle

Lors de la visite, divers panneaux rendent compte de la biodiversité locale, depuis la foulque jusqu’au sanglier, en passant par les rapaces, les rongeurs, le chevreuil et en passant par divers arbres et plantes. Ce qui en fait aussi un lieu pédagogique pour les élèves d’écoles locales.

Le lieu, par son caractère calme, intégré dans un environement rural reposant, invite à la paresse, à la lenteur, à la contemplation.

Et si tout n’y est pas à 100% écologique, la démarche dans son ensemble va clairement dans ce sens.

Un lieu de détente insolite et familial

Pour visiter le site, il y a deux options : l’une est la simple visite, avec une série d’activités pour les grands et les petits tout au long du parcours. Soit une balade d’environ 2h30, avec des énigmes, des jeux pédagogiques, des casse-tête chinois, etc. L’autre, compatible avec la première, est l’hébergement dans un des logements insolites qui ont contribué amplement à la réputation du site. On y trouve rien moins que 9 types d’hébergement, pour un total de 32 habitations : tentes de trappeurs, wigwams (sortes d’igloos de toile), yourtes (réalisées et décorées par des artistes mongols conformément à leur tradition), des tipis amérindiens, divers types de cabane, dont deux… flottantes, dont le succès est tel que, fin févier, elles étaient déjà réservées pour tous les samedis jusqu’à fin septembre !

Quelques photos vaudront plus que mille mots :

Echologia - tipis Echologia - Tipi et baignade naturelle Echologia - Tentes trappeurs et wigwam Echologia - tente trappeur ou prospecteur Echologia - Cabane falaise Echologia - cabane flottante et canoe Echologia - cabane digue

Informations pratiques

  • Comment s'y rendre : La gare de Laval est située à 1h30 de train de Paris-Montparnasse et 45 minutes du Mans et de Rennes. Le site Echologia est accessible  en taxi ou en bus (ligne N du Transport urbain lavallois, TUL). La gare de Louverné est desservie par le TER en provenance du Mans (50 minutes), située à 4 minutes à pied. En voiture, que l’on vienne de l’autoroute ou de la nationale, Echologia, situé à 8 km au nord de Laval, est très bien indiqué par une série de panneaux.

  • Adresse : Bas Barbé, Hameau Chaufournier, 53950 Louverné.

  • Site internet : Echologia.fr

  • Tarifs : L’entrée sur le site n’est… ni gratuite… ni payante : elle est solidaire et participative (pour en savoir plus, lire la page explicative du site). Quant à la location d’hébergement, elle a bien un tarif. En fait, trois : à partir 79€ pour les tipis, wigwams (tentes-igloos), tentes de trappeur et les yourtes ; 119€ pour les cabanes « falaise » et les cabanes forestières ; 149€ pour les cabanes flottantes ou cabanes digues.

  • Courriel : contact ]arobase[ echologia.fr ; téléphone : 09 80 80 53 53.

Crédits photo : merci à Echologia pour nous avoir gracieusement autorisé la publication de photos (celles du diaporama et de la dernière partie de l’article).