Le Savon de Marseille : une IGP entre authenticité et loi du marché

Ce produit étendard d’une certaine histoire du terroir provençal a une actualité paradoxale : non-protégé le savon de Marseille est menacé de disparition alors qu’il n’a jamais été autant à la mode dans le marketing et le packaging pour le grand public.

Le savon de Marseille : genèse et grandeur

Au-delà de l’image d’Épinal – tel le Père Noël du ménage – ou de la dérive publicitaire (Le Petit Marseillais ça vous parle ?), le savon de Marseille a existé bien avant l’avènement de l’eau courante.

L’origine du savon de Marseille provient du savon originaire d’Alep en Syrie. A partir du XIIè siècle, les manufactures de savon fleurissent à Marseille et utilisent comme matière première l’huile d’olive extraite dans ses alentours. Les premières savonneries officielles apparaissent au XIVè siècle dans la ville. Dès le XVIè siècle, les commandes affluent de toute l’Europe occidentale et du Nord et l’apothéose de cette industrie coïncide avant la Première Guerre Mondiale : rien qu’à Marseille on dénombre alors 90 savonneries.

Le savon de Marseille : c’est quoi exactement ?

Les caractéristiques historiques de ce savon sont :

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- son procédé de fabrication : une cuisson en chaudron pendant une dizaine de jours selon le savoir-faire détenu par des maîtres savonniers

- sa composition : avec de l’huile d’olive et sans aucun additif.

Une teneur de 72 % en masse d’acide gras était garantie dans le savon de Marseille traditionnel, uniquement préparé à partir d’huile d’olive.

Mais alors, quel est le problème ?

Aujourd’hui seuls quatre savonniers fabriquent encore selon la tradition.

Mais avec plus de 2.000 tonnes produites, les fabricants de savon artisanal phocéens ne représentent que 10% des cubes et produit détergents arborant une origine géographique marseillaise.

Le terme « savon de Marseille » n’est pas une appellation d’origine contrôlée, mais correspond seulement à un procédé de fabrication qui est approuvée depuis mars 2003 par la DGCCRF. Le code de l’AFISE définit la méthode de fabrication, basée sur les quatre étapes historiques que sont l’empâtage/cuisson, le relargage de la glycérine, le lavage et la liquidation.

Il n’y a donc pas d’obligation de fabriquer un savon à Marseille pour qu’il puisse avoir l’appellation. L’appellation est liée à la méthode de saponification dite « marseillaise ».

Ce code est très large et permet à une grande quantité de savons d’origines diverses de bénéficier de l’appellation Savon de Marseille. De ce fait, la Chine et la Turquie sont les plus gros fabricants de savon de Marseille.

Beaucoup de sociétés se disant savonnerie ou se proclamant Maître Savonnier ne sont en fait que des « conditionneurs » de savon. La base savon provient essentiellement de Chine et le travail consiste uniquement à colorer, parfumer et mouler cette base savon fabriquée selon un procédé moderne qui peut bénéficier de l’appellation Marseille selon le code de l’AFISE.

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A quand une Indication Géographique Protégée (IGP) ?

Le décret d’application de l’IG Savon de Marseille attend toujours chez la secrétaire d’Etat à l’Artisanat. Les producteurs traditionnels demandent que des garanties d’origine France apparaissent clairement dans le texte. Ils seraient les seuls à pouvoir utiliser le label « Savon de Marseille ». Ce mode de production ancestral garantirait les caractéristiques notamment hypoallergéniques du savon.

Mais les autres 90% ne l’entendent pas de cet oreille, et demandent une IG moins restrictive. Pour certains, il vaut donc mieux pas d’IGP qu’une IGP au rabais qui donnerait raison aux contrefacteurs et diluerait le savoir-faire.

Face à cet imbroglio, le dossier d’IG semble pour l’instant sans issue.

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