Café du matin #1

Café du matin

#1

Café aigre

Alors voilà, on boit son café tranquille, premier café du matin… la journée risque d’être belle, légèrement voilée mais belle, la première vraie journée chaude de la saison, il va certainement faire chaud, du moins de quoi sortir en tee-shirt sans risque d’avoir le moindre frisson sur les tétons sous le tissu. Encore une occasion de ratée de s’exprimer avec pudeur.

Même pas eu le temps d’aller acheter un croissant à la boulangerie, celui qu’on croque goulûment et qu’on mouille avec une gorgée de café pour le faire fondre dans la bouche, avec en arrière-fond le pépiement garrulant des perruches qui frondent au-dessus des tilleuls. Oui, parce que la fenêtre est ouverte. On entend aussi la disqueuse qui tronçonne les canalisations d’assainissement qui vont bientôt disparaître sous terre. Ce sont ces petits bonheurs comme ça qui vous enchantent le coeur, qui vous passent de la pommade sur les plaies.

C’est toute une journée qui se dessine comme ça, personne pour faire chier, personne à emmerder, une petite solitude de sale gosse qui se complait dans son bureau isolé au fond du couloir. C’est fou comme ces petits plaisirs vous font votre journée, comme de s’endormir sur le tapis d’une mosquée à Istanbul lorsque dehors il fait 40°C.

Et puis tout d’un coup, le message arrive, celui qui vous dessine sur le visage un petit sourire sardonique, l’annonce d’un concert, certainement une oeuvre de Wagner avec tambour et trompette, façon orchestre de garde-champêtre, un peu dissonnant, mais qui garde sa superbe, un esprit goguenard et primesautier à la fois. Une odeur de feu de bois dans une cheminée dans une pièce humide, de quoi réchauffer l’âme et l’esprit. Une petite sucrerie, comme un loukoum qu’on fait fondre sous la langue avant de lamper une chaude gorgée de thé noir. Un délice arrogant…

J’ai hâte. Je ne suis inféodé à personne, je reste libre et pour tout dire, j’ai envie de rire un coup.

Le goût du café sur mes lèvres, l’horloge de l’église qui sonne une heure, mais je sais pas laquelle, un vent léger, la satisfation d’avoir bien bossé et d’avancer contre le vent, un jus de mangue acheté chez le traîteur d’en face qui coule dans ma gorge comme un nectar bienfaisant, quelque chose d’aussi rafiné qu’un panneau de bois sculpté par un artiste seldjoukide… rien ne m’arrêtera plus désormais, il va ya voir du grabuge… j’avais prévenu, je suis un sale gosse.